Le stress oxydatif concerne autant les humains que les animaux d’élevage et ce, pour des raisons relativement similaires. A la disposition des humains de nombreux compléments alimentaires et pour nos animaux d’élevage, une panoplie d’additifs antioxydants. En élevage, on confond souvent stress oxydatif et stress psychosocial. Si espérer traiter certaines conséquences du stress psychosocial avec un antioxydant n’est pas la meilleure méthode, le stress oxydatif est bel et bien présent dans nos élevages et il faut le prendre en compte. Mais avant de pouvoir déterminer une stratégie de lutte contre le stress oxydatif, il faut d’abord en comprendre les origines.
1. Comment le « stress oxydatif » dégrade la santé animale ?
Les radicaux libres, supports moléculaire du stress oxydatif
L’oxygène de l’air (O2) est une molécule très réactive. Elle interagit avec beaucoup d’autres pour échanger des électrons. Ces échanges sont parfois incomplets et provoquent l’apparition d’entités moléculaires particulièrement instables : les radicaux libres. Ces entités vont alors réagir avec leur environnement et rompre de nombreuses molécules d’intérêt : protéines, ADN, … tout en continuant la production d’autres radicaux libres (réaction en chaine). Si ce mécanisme délétère n’est pas rapidement arrêté, le stress oxydatif va conduire à des dysfonctionnements cellulaires et un vieillissement prématuré voire des pathologies.
Les principaux radicaux libres présents dans l’organisme (Beaudeux & Vasson, 2005)
O2·– | Radical superoxyde |
HO2· | Radical perhydroxyle |
·OH | Radical hydroxyle |
ROO· | Radical peroxyle |
RO· | Radical alkoxyle |
Origine des radicaux libres
Les radicaux libres ont 2 origines :
- Exogène : alimentation et radiations
- Endogène : réponse immunitaire et métabolisme
L’alimentation une origine exogène
Une alimentation riche en matière grasse polyinsaturée présente un risque d’oxydation élevé, au-delà du gout rance qui provoquera une baisse de consommation, les radicaux libres issus de cette oxydation des graisses vont attaquer l’organisme et provoquer un stress oxydatif. Ces dommages devront être réparés et seront coûteux en énergie et performance. Faute de quoi, l’animal va s’affaiblir, vieillir prématurément ou voir sa santé se dégrader.
Les radiations, l’autre origine exogène
Les radiations provoquent aussi des radicaux libres. Les ultraviolets vont dégrader la peau et les muqueuses des animaux dépourvus d’abri. Le stress thermique avec ses infra-rouges en excès provoque lui aussi un stress oxydatif dû à un métabolisme perturbé par la chaleur et la déshydratation.
Le métabolisme, une origine endogène et normale du stress oxydatif
La plupart des réactions métaboliques sont des réactions de type oxydoréduction susceptibles d’engendrer des radicaux libres, en particulier, la chaîne respiratoire au sein des mitochondries. Difficile donc d’imaginer orienter le métabolisme vers une réduction de la production de ces radicaux libres. Au contraire, nos animaux d’élevage, très performants, ont un métabolisme particulièrement élevé qui induit de fait une forte production de radicaux libres. Les animaux à forts potentiels sont donc des animaux particulièrement sensibles au stress oxydatif.
Les défenses immunitaires utilisent les radicaux libres comme arme de défense anti-infection
Bien que le stress oxydatif soit néfaste en général, l’organisme sait aussi s’en servir à son profit. Le système immunitaire va produire des radicaux libres spécifiquement lors d’infection et ce à proximité des agents infectieux. Ce mécanisme permet de déréguler les fonctions de l’agent infectieux et de bloquer l’infection naturellement.
Conditions favorisant le stress oxydatif
2. Les mécanismes de défense naturels de l’organisme
Bien heureusement, l’organisme n’est pas démuni face au stress oxydatif. Il dispose d’un vaste arsenal d’outils pour arrêter la propagation des radicaux libres et réparer les dommages dus au stress oxydatif. Ces mécanismes de défenses naturels peuvent se répartir en 3 catégories :
- Les enzymes anti-oxydantes,
- Les molécules non enzymatiques synthétisées par l’organisme
- Les molécules naturellement présentes dans l’alimentation
Différents outils de l’organisme pour réduire le stress oxydatif des animaux ( Durand and Coll, 2013)
Non seulement l’organisme dispose de molécules pièges (GSH, Q10, …) pour arrêter les radicaux libres mais il est aussi capable de régénérer ces molécules grâce à plusieurs enzymes antioxydantes (SOD, GPx, …).Les vitamines (ACE) ainsi que les oligo-éléments (Ce, Zn) pourront compléter ce travail de piégeage et de régénération. Certains composés comme les phénols pourront eux régénérer la vitamine E par exemple.
3. Les additifs antioxydants ont-ils encore un intérêt ?
En situation normale, l’organisme est donc parfaitement équipé pour faire face au stress oxydatif. En revanche dans nos élevages, il peut y avoir des sources de radicaux libres exogènes en excès (alimentaire ou radiations), nos animaux très performants passent des stades physiologiques particulièrement critiques : peri-partum, sevrage, haut niveau de production, vaccination, infection.
Durant ces phases critiques pour maintenir santé animale et performance, il est recommandé de soutenir l’animal. Pour renforcer l’animal et lui permettre de passer au travers de cette phase de stress oxydatif, on doit envisager 3 voies distinctes :
- Réduire l’apport de radicaux libres alimentaires en utilisant des antioxydants dans l’aliment
- Renforcer la régénération des molécules antioxydantes endogènes
- Renforcer la régénération de la vitamine E
Réduction de l’apport de radicaux libres alimentaires
L’utilisation d’antioxydant dans l’aliment (E3xx) est de plus en plus difficile. L’Ethoxyquine est maintenant interdite, d’autres molécules de synthèse restent encore autorisées mais sont déjà suspectées de troubler la santé du consommateur final. Les antioxydants naturels autorisés dans l’aliment sont soit coûteux, soit trop sensibles au traitement thermique.
Augmenter l’apport de vitamine E pour régénérer les antioxydants endogènes
La vitamine E est reconnue comme puissant antioxydant. De fait elle est beaucoup prescrite en cas de suspicion de stress oxydatif, on a presque oublié que son nom « tocophérol » indique du grec porter la progéniture. La vitamine E est à ce titre essentielle mais facultative pour le stress oxydatif car on doit la comparer à d’autres molécules disponibles. De plus si son pouvoir antioxydant est constant, son prix est particulièrement volatile. Alors pourquoi ne pas garder la vitamine E pour son rôle de vitamine et trouver d’autres antioxydants moins volatiles et tout aussi efficaces ?
Régénérer la vitamine E
La régénération de la vitamine E permet de bénéficier à la fois de l’efficacité de la vitamine E sans avoir à subir autant les cours fluctuants de celle-ci. Les phénols sont de bons candidats pour cela. Ils restent toutefois fragiles.
Il existe donc plusieurs façons de prévenir le stress oxydatif. Beaucoup d’additifs peuvent entrer en jeu. Afin de pouvoir se déterminer complètement, il faut être capable de mesurer les effets du stress oxydatif et des antioxydants in vivo. Avant de se lancer dans des tests terrain coûteux, on commence toujours par un screening in vitro pour comparer les candidats sur leur pouvoir antioxydant. Mais quelle méthode choisir pour ces tests in vitro ? A quels indicateurs se fier in vivo ? Nous aborderons ces questions très prochainement.
4. Les 4 points qu’il faut retenir
- Des radicaux libres qui proviennent de l’environnement sont toxiques (aliment, radiations)
- Les radicaux libres sont aussi naturellement produits par l’organisme (défense immunitaire, métabolisme)
- L’organisme a des défenses naturelles puissantes contre les radicaux libres
- Les additifs antioxydants sont utiles pour les phases de production de radicaux libres extrêmes : production intensive, réponse immunitaire: lorsque les défenses naturelles sont dépassées.