L’aquaculture est en pleine expansion pour répondre à la demande mondiale croissante en produits de la mer. Toutefois, elle fait face à des défis importants, notamment les épidémies de maladies favorisées par la forte densité d’élevage, menant parfois à de fortes mortalités engendrant des pertes économiques très importantes.
Fig.1 : France Agrimer
Face à la résistance croissante aux antibiotiques et aux préoccupations environnementales, les chercheurs se tournent de plus en plus vers des alternatives naturelles, et l’ail (Allium sativum) suscite un intérêt particulier.
Pourquoi l’ail en aquaculture ?
Utilisé depuis des siècles en médecine traditionnelle humaine pour ses nombreuses propriétés (antibactérien, antifongique, antiviral, antiparasitaire), l’ail s’est transformé en un allié précieux pour les aquaculteurs.
Quels sont les composés actifs de l’ail ?
L’ail regorge de composés bioactifs qui lui confèrent un large éventail de propriétés bénéfiques pour les animaux aquatiques.
Les principaux sont :
- Alliine (Fig.2) : présent naturellement dans l’ail intact, c’est un précurseur de l’allicine. L’alliine est relativement stable tant que l’ail n’est pas broyé.
- Allicine (Fig.2) : c’est le composé le plus connu. Elle se forme lorsque l’ail est coupé ou écrasé (l’enzyme alliinase transforme l’alliin en allicine). L’allicine est responsable de l’odeur caractéristique de l’ail frais et possède de puissantes propriétés antimicrobiennes, antifongiques et antibactériennes.
- Ajoène : formé à partir de l’allicine, notamment dans l’ail macéré ou dans certaines préparations d’ail à l’huile. L’ajoène a des effets anticoagulants et anti-inflammatoires.
- S-allylcystéine (SAC; Fig.2) : retrouvé surtout dans les extraits d’ail vieilli. C’est un antioxydant stable, avec des effets protecteurs cardiovasculaires et neuroprotecteurs.
- Les dérivés sulfurés (diallyl sulfide, diallyl disulfide, diallyl trisulfide; Fig.2) : responsables des effets anticancéreux potentiels, ainsi que des propriétés antimicrobiennes.
- Les saponines (par ex. β-chlorogenine glycosides, proto-escigenin glycosides, yuccaol C-like saponine) : elles sont trouvées en grande concentration dans la peau externe et dans les gousses fraiches. Les saponines jouent un rôle principalement immunomodulateur et antioxydant.
- Flavonoïdes (quercétine, kaempférol, …) et composés phénoliques (acide caféique, acide férulique, acide gallique, …) : ils renforcent l’effet antioxydant global de l’ail.
Sous quelle forme l’ail est-il utilisé en aquaculture ?
Il est généralement incorporé à l’alimentation sous forme :
- De poudre d’ail séché
- D’extrait liquide
- D’huile essentielle
Les doses varient selon les espèces, le mode d’administration, mais elles doivent être maitrisées puisque à trop forte dose l’ail pourrait provoquer un rejet alimentaire (Nya et Austin, 2009).
Quels sont les bienfaits de l’ail en aquaculture ?
Renforcement du système immunitaire :
L’ail stimule la production de globules blancs et d’anticorps, ce qui aide les poissons à mieux résister aux infections (Valenzuela-Guttierrez et al., 2021). Des études ont montré que les poissons nourris avec des compléments à base d’ail avaient une meilleure réponse immunitaire (Nya et Austin, 2009).
Effet antibactérien et antiparasitaire :
L’ail possède de puissantes propriétés antibactériennes contre un large spectre de bactéries Gram + et Gram – (Vibrio, Aeromonas) ou parasites couramment rencontrés en aquaculture (Lee et Gao, 2012). Ces propriétés reposent très certainement sur l’allicine (Nya et al., 2010). L’ail s’avère prometteur dans la gestion des infections parasitaires chez les animaux aquatiques. Des bains d’immersion à base d’extrait d’ail ont par exemple réduit l’infection par Cryptocarion irritans chez les guppys (Hyun Kim et al., 2018). L’ajout d’extrait aqueux d’ail à l’alimentation du baramundi a également réduit l’infection par Neobenedenia spp. Toutefois, l’ail semble plus prometteur pour prévenir l’infection qu’en cas d’infection parasitaire établie.
Amélioration des performances zootechniques :
Certaines études suggèrent que l’incorporation d’ail dans l’alimentation peut améliorer le taux de croissance et l’efficacité alimentaire chez différentes espèces de poissons et crustacés. Par exemple, l’ajout de poudre d’ail à l’alimentation a eu un effet positif sur la croissance et la composition musculaire des crevettes Litopenaeus vannamei (Tazikeh et al. 2019). De plus, en favorisant la santé digestive et immunitaire, il semble logique que l’ail contribue indirectement à une croissance plus rapide et à une meilleure conversion alimentaire (Metwally, 2009).
Stimulation de l’appétit :
L’ail peut améliorer la prise alimentaire du fait de sa forte odeur qui attire les poissons et favorise leur appétit. C’est une caractéristique qui peut être intéressante, en particulier en période de stress ou de maladie (Lee et Gao, 2012).
Des limites à considérer :
Malgré ses nombreux avantages, l’utilisation de l’ail en aquaculture présente certaines limites qu’il est important de prendre en compte. En effet, il faut prendre en considération l’instabilité de certains composés actifs, comme l’allicine qui par exemple se décompose rapidement en d’autres composés. Par ailleurs, l’optimisation de la dose est cruciale pour permettre une réelle efficacité et celle-ci varie en fonction du mode d’administration, de l’espèce, de l’état infectieux de l’animal.
L’ail en aquaculture : de nombreux bénéfices
L’ail montre de nombreux bénéfices en aquaculture, notamment pour renforcer les défenses des poissons, limiter les infections et améliorer leur croissance. Son utilisation comme complément naturel peut aider à réduire le recours aux antibiotiques et à rendre l’élevage plus durable. Même si des ajustements sont encore nécessaires selon les espèces et les doses, l’ail s’annonce comme une solution naturelle prometteuse pour l’avenir de l’aquaculture. D’autres plantes ou extraits naturels pourraient aussi compléter ces effets dans une approche globale de santé animale.
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